Saint Denis

 
 

Extrait du Journal de bord 2008

...Le lendemain nous avons aussi une journée très chargée. A midi, repas dans une maison d´associations de quartier avec animation musicale. L´après-midi rencontre avec des jeunes Roms roumains du camps de Hanoul via l´association Parada. Nous devons nous retrouver à Aubervilliers pour faire connaissance et pour les inclure en première partie de notre spectacle du soir à Saint Denis. C´est le résultats des contacts entre Coralie et Charlotte. Sur place il n´y a d´abord personne. Ils ont accès une fois par semaine à un local – salle des répétitions où ils mettent au point leur groupe de danses. Une aubaine pour nos jeunes qui se lancent à essayer tout ce qui est à leur portée. Au bout d´un moment une demi-douzaine de jeunes filles viennent, accompagnées d´un moniteur rom roumain – Micha. Présentations, sans plus, chacun reste de son côté. Nous avons l´habitude de ce genre de situation. On continue comme si rien n´était. Les garçons foutent un bordel monstre avec les équipements, les filles ne sont pas en reste. Les autres nous observent du coin de l´œil. Au bout d´un moment, l´air de rien, on commence à faire notre répétition. On lance une bonne série de chansons. Cela ne peut pas passer inaperçu. Les Roumains applaudissent spontanément. On part pour l´école de St Denis pour se préparer au spectacle. On amène les filles avec notre bus, à l´arrivé nous sommes un seul groupe venu faire „notre spectacle“. Sur place nous partageons le même vestiaire, la glace est rompue, on se prépare au spectacle. Nous avons pu nous faire une idée de leur prestation. Ce sont des danses du ventre sur fond de musique balkanique orientale. Cela nous plaît beaucoup, toutes les filles essayent. Du point de vue scénique c´est très répétitif, peut devenir lassant, mais peu importe. Le public sera ce soir constitué de beaucoup des proches de ces jeunes filles tziganes roumaines, alors qu´ils en profitent!  Les roumaines sont manifestement en admiration devant le savoir faire des nôtres, elles regardent avec envie nos magnifiques costumes et sont très fières et toutes excitées de faire partie de notre spectacle. Les conditions matérielles sont celles d´un préau d´école. Un gros effort a été fourni pour installer une sono, mais au final nous préférons ne pas s´en servir car il n´y avait pas assez de micros, et cela ne ferait que dénaturer nos voix et nous desservirait. Un organisateur d´un festival tzigane en Suisse est venu spécialement pour nous rencontrer. 

De suite séduit par la troupe il s´est spontanément engagé dans les préparatifs techniques sur place. Le préau se remplit. Beaucoup de gens du quartier, mais aussi les familles des Roms roumains. Le spectacle commence devant une salle comble. Les tziganes roumaines font un triomphe devant les siens. C´est super! Au bout d´une demi heure nous enchaînons avec notre programme. Nous sommes gonflés à bloc. Les Roumains explosent, nous soutiennent frénétiquement. C´est gagné. Après le spectacle nous leur proposons de revenir participer aux deux autres représentations que nous avons sur Paris. Ils répondent qu´ils ne savent pas, sans doute, .. mais le lendemain ils sont tous là, et ils en redemandent.

Le lendemain nous avons la visite d´un lieu de vie à Aubervilliers, organisée par les Villes des Musiques du Monde. C´était un ancien bidonville de 500 personnes réduit à 80, dans des conditions décentes des préfabriqués, mais très encadrés – surveillance, accompagnement, etc. Notre visite était prévue, mais à midi, seul le travailleur social nous attendait, un peu désemparé, au local de réunion au milieu du camps. Quelques gosses traînent par là, mais l´ensemble était manifestement désert. Pareil, rien d´inhabituel pour nous. Nous avons investit les lieux, chacun s´affairant à ses affaires. Ça jouait de la musique d´un côté, tapait le ballon de l´autre, papotait à l´autre bout. Immanquablement les habitants de ces lieux, reclus dans leurs préfabriqués venaient petit à petit aux nouvelles, attisés par la curiosité devant ces nouveaux-venus que nous étions. Au fur à mesure l´ambiance chez nous graduait, pour monter instantanément lorsque le local s´est en partie rempli. Les gosses étaient là, quelques adultes aussi. Parmi eux, une mendiante qui essayait de nous faire la manche dés notre descente du bus devant le centre. Elle était très folklo, manifestement un personnage haut en couleurs de cette communauté. Nous l´avons fait danser, sans qu´elle s´en aperçoive nous l´avons mise en avant, nous l´avons mis à l´honneur. Tout le monde était ravi et tous ont participé. Il a fallu qu´on arrête, pressés par les organisateurs pour poursuivre notre programme. Après s´être arrêté de jouer nous avons engagés la conversation avec les Roumains. On est de suite entrés dans le vif du sujet – combien on touche pour ce qu´on fait, il faut demander plus, etc... Les femmes partent boire le café, les gars tapent le ballon, les filles font la visite chez les nouvelles copines. Le travailleur social se retrouve de nouveau  seul au milieu du camps.. Je pars rejoindre Helena et Veronika. Elles sont dans un des bungalows, la table est instantanément dressée, on nous fait manger, boire. On met la musique, on danse. Un moment très intense. Les hommes ne sont pas la – ils sont au travail. Ces Roms se trouvent bien là. Ils ont les papiers pour travailler. Les enfants vont à l´école, ils apprennent le français. On doit partir. Ils promettent tous de venir au spectacle l´aprés-midi. Ils achètent des billets à 3 euros. Le travailleur social organise le transport. Au spectacle ils seront tous là. Y compris ceux d´Hanoul qui n´étaient pas trop décidés à venir et sont venus encore plus nombreux que la veille. Arrivés à l´Espace Fraternité un coup de greule inutile de la part du chef de son met un bémol à cette ambiance conte de fées. On passe dessus. On en a vu d´autres... Le spectacle a lieu à 16 heures. On doit faire la première partie d´un orchestre tzigane turc. On inclue de nouveau les Roumaines d´Hanoul dans noter première partie. Elles sont toutes là, avec leurs sœurs, cousines. Toutes veulent danser. Celles qui n´étaient pas là la veille et qui n´ont pas de robes me demandent de leur en donner une. On retrouve la même demande que chez nous. „Monsieur, moi aussi, je veux danser...“ On fait avec ce qu´on a. Une jupe par-ci, un foulard par là... La salle est pleine. Beaucoup de Roms roumains. Ceux du camps d´Aubervilliers, ceux d´Hanoul. Beaucoup de Turcs et orientaux aussi. Le serveur du foyer ou nous sommes logés qui est Rom roumain et habite le camp est là, le patron du kebab où on a pris le repas de midi, aussi. Le spectacle est très bien reçu. Dommage que l´on doit s´arrêter pour laisser la place à l´orchestre turc qui est beaucoup moins dynamique que nous. La salle se vide petit à petit. 
 
 

 

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