Aujourd´hui une super répète! Très, très fort! Jusqu´à maintenant il me manquait tjrs qque chose, mais là, ça devient parfait! C´est osé, mais du moment que les tempos sont parfaitement en place (parfaitement n´est pas évident, cela arrive rarement, même si ça ne s´entends pas forcément au premier coup, cela influe inconsciemment sur tout le reste), le reste peut suivre, mais le reste aussi devient de plus en plus performant.


Ct´après´m c´était magistral! À l´orchestre Douchko, Ferko plus un ancien - Jožko au chant et à la guitare, soutenus par Snurki, Jaro et Jackson au chant et à la rythmique (Jackson juste avec une bouteille de coca vide). Et malgré une dizaine de jours sans répète - super! Dément! Tout le monde extrêmement motivé, mais en plus de ça on sent quand même tout l´acquis de l´été dernier et des saisons précédentes. Les petits deviennent réellement performants, les nouveaux se fondent dans le tas. Vraiment je pense qu´il n´y à rien à ajouter. On peut mettre des trucs en plus (instruments, sono, mise en scène, etc..), mais ce n´est pas l´essentiel. Dans cet état, actuellement,  cela devient un produit top, hors concurrence.


 Alors je fais appel à tous ceux qui nous ont soutenus jusqu´à lors, qui nous ont accompagnés sur nos chemins de musique, qui étaient parfois brimbalant, de tenir encore un peu le coup, afin de pouvoir, les éléments de comm qui sont en train d´être mis en place aidant, propulser la chose  plus au devant, notamment à travers les différents festivals, pour nous inhabituels, aux quels nous pourrions nous adresser pour cet été. Je pense qu´il est venu le temps pour nous aussi de relever le défi d´affronter des publics de touts horizons, différents de ceux aux quels nous étions confinés jusqu´à lors. D´essayer, d´oser, de jouer aussi la carte professionnelle, celle de la performance musicale, artistique pure, ou les aspects sociaux ou autres deviennent secondaires, bien que toujours complémentaires.


A travers toute mon expérience je ne pense pas être que dans le subjectif sur mon jugement. Je crois vraiment que nous nous trouvons à une étape clé de notre évolution. Le tout est de pouvoir en profiter au maximum. Les éventuelles allées - venues en avion sur les camps franciliens donnent aussi une nouvelle dimension et une motivation supplémentaire. J´espère que le ccfd tiendra ses promesses et que nous pourrions dés la semaine prochaine entamer nos interventions de "Kesaj volants". 

ateliers

 

 

KESAJ TCHAVE

 

Interventions artistiques sur les terrains roms de l’Ile de France

 

Ateliers février-mars 2010

 

Les ateliers-répétitions du 25 février au 2 mars 2010 sont le prolongement naturel des actions et activités développées   par Kesaj Tchave auprès du groupe cible depuis la fin de l’année 2008. La dernière action fut la tournée d’hiver du 29 novembre au 12 décembre 2009, durant la quelle un nombre important d’enfants et de jeunes migrants roms roumains du 93 furent impliqués dans la vie du groupe, ont partagé de nombreux moments de vie et de travail ensemble, en culminant avec des spectacles de haut niveau (Festival Migrant’scène de la Cimade, Théâtre de la Traversière) et une première – un événement sur la place publique, destiné au grand public et les médias dans le souci d’une plus grande visibilité des actions de Kesaj Tchave et de ses partenaires, la manifestation « Noël Tsigane – Noël d’Espoir » sur le Parvis des Droits de l’Homme au Trocadéro le 11 décembre 2009. S’en suivit une série de répétitions et d’ateliers avec un petit groupe restreint de 7 membres de Kesaj Tchave lors des Fêtes de Noël 2009, avec le passage au Cirque Romanès et à la Mairie de Montreuil le soir du Réveillon et l’émission de France Inter  l’Humeur Vagabonde.

 

Le succès de ces actions a motivé l’association Kežmarský hlas, sous la quelle évolue le groupe Kesaj Tchave, à chercher des moyens pour continuer dans sa démarche d’investissement et d’ouverture sur les populations roms du 93. Les expériences positives de partenariat avec le CCFD sur des actions concrètes en 2009 (interventions sur les terrains roms du 93, résidence d’été dans le Vercors) ont trouvé un prolongement dans l’élaboration d’un projet de soutien du CCFD à l’association Kežmarský hlas pour ses activités dans le 93 au cours de l’année 2010.

 

Suivant un calendrier prévisionnel élaboré sur des événements majeurs de l’année à venir, la prochaine occasion pour intervenir en France était le concert de soutien « Changer les destins » organisé par l’association canadienne les Jeunes Musiciens du Monde le 2 mars à Montreuil, dans la Salle des Fêtes de la Mairie. Le concert était organisé de manière professionnelle, avec des moyens conséquents, avec la participation de vedettes telles que SanSeverino, Emily Loizeau, et autres. Dès que nous avons pris connaissance de la préparation de cet événement, et de la possibilité d’y participer directement, nous nous sommes engagés pour y intervenir  avec le maximum des participants des camps roms du 93. Nous en avons surtout profité pour motiver  Lili, la gardienne du camp des caravanes de la rue Pierre de Montreuil, pour la convaincre de s’investir pour qu’elle monte un petit groupe de danse avec les enfants du terrain, à l’image du nôtre.  Tous les enfants du camp qui sont passés par nos ateliers étaient très motivés, et cela aurait été formidable qu’ils puissent perdurer dans le travail artistique même pendant notre absence.  Nous l’avons assuré de tout notre soutien, et nous avons intervenu auprès des « grands », des adolescents du camp férus de Kesaj Tchavé, pour qu’ils l’aident dans les répétitions.  Ce qui fut fait, et dés que nous sommes repartis le 6 janvier, les répétitions de Lili ont commencées au terrain. Elles étaient faites sous un autre concept que le nôtre, donnant la priorité à un groupe restreint, un peu « élitiste », plus facile à maîtriser que les masses d’enfants que nous faisons intervenir lorsque nous organisons nos ateliers. Par contre sa présence continuelle sur le terrain était un atout, ainsi que sa connaissance des lieux et des personnes. De plus, elle avait une expérience de ce genre d’activités, ayant fait parti d’un groupe folklorique tsigane en Roumanie. Donc  nous  sommes  très  heureux  qu’en  si  peu  de  temps  notre action rencontre ainsi un prolongement concret sur place. Et nous avons de nouveau insisté de tout notre poids auprès de tous les jeunes pour qu’ils participent à cette expérience, ainsi qu’aux ateliers hebdomadaires de chant qu’animait notre amie, la chanteuse Bielka.

 

Il était aussi évident que pour que ces expériences puissent perdurer il fallait encore apporter de la motivation et de l’émulsion en venant avec les jeunes de notre groupe, qui en fait constituent une des motivations principales pour les jeunes Roms roumains pour continuer à s’investir. Nous avons alors prévu de revenir en profitant du recoupage des temps des vacances scolaires en France et en Slovaquie pour ne pas trop enfreindre sur le temps de l’école des enfants. Le spectacle était aussi important par son impact médiatique, c’était la présentation de notre travail effectué avec  des migrants roms au cours de l’année précédente, alors nous avons cherché des moyens pour intervenir avec un nombre plus important de jeunes de Kesaj Tchave que prévu initialement. Les organisateurs, les JMM (Jeunes Musiciens du Monde), étaient prêts à nous financer le voyage aller-retour en avion à hauteur de 1 400 eu, alors nous avons trouvé une compagnie avec la quelle 13 personnes pouvaient voyager en rentrant dans ce prix. Le choix des participants de notre côté était conditionné non seulement par leurs qualités artistiques et humaines, mais aussi par leur disponibilité par rapport au temps scolaire. Les vacances étant en Slovaquie, comme en France, réparties par régions, il en résultait que nous avons amenés avec nous ceux qui étaient disponibles pendant ce temps précis.

 

Il va sans dire, qu’une telle possibilité de voyager en avion pour des enfants des bidonvilles constitue en soi une occasion et une motivation inouïe, valorisant les efforts des plus méritants et encourageant tous les autres. Pour cette première nous avons choisi parmi les plus anciens et ceux qui avaient le plus de connivences avec les jeunes des terrains roms roumains en Ile de France. Le 24 février nous sommes donc partis, mon épouse et moi, avec 11 jeunes de 13 à 21 ans,  d’abord de Kežmarok à Bratislava en train (5h de trajet) et ensuite en avion de Bratislava à Paris-Beauvais, où nous avons atterri à 21h30. Là, il fallait faire face à la première déconvenue, nous n’avions pas assez d’argent pour prendre  le bus de l’aéroport de Beauvais à Paris, ni pour le métro, l’argent du projet n’étant toujours pas arrivé sur notre compte. Nous avons fait appel à des amis qui nous ont dépannés et nous avons pu rejoindre Paris.

 

Dés le lendemain, la somme prévue était sur le compte de notre association, et nous avons pu en toute sérénité attaquer la série des ateliers et répétitions prévues. Nous avons commencé le jeudi après-midi à 15h dans l’atelier Coriandre à Montreuil, chez Bielka. Nous étions surpris et heureux de voir autant de monde venir. D’abord le groupe de Parada, mené par Misa Boti et Coralie Guillot, qui sont venu de Saint Denis à plus de trente. Ensuite le groupe des caravanes de Montreuil avec les jeunes du tout nouveau groupe sous la direction de Lili, impatients de nous montrer leur nouvelle danse et puis aussi les autres, qui ne participent pas directement aux activités, étant trop marginalisés même au sein de leur propre communauté, mais que nous laissons venir assister aux répétitions, les extrayant au moins durant ce temps de leurs passe-temps habituels pas forcément très louables. Au total nous étions plus de soixante. C’était d’abord des retrouvailles, et ensuite une répétition dynamique, pleine d’énergie, constructive, même si de nombreux nouveaux n’ayant encore jamais participés aux ateliers étaient présents. Ce qui frappait surtout c’était « l’ordinaire » de l’événement. Et qui était en fait tout à fait extraordinaire pour ces gosses ayant d’autres habitudes sociales que celles d’ateliers ou cours de danses ou du chant. Rien que le fait qu’ils attendaient impatiemment cet événement, des retrouvailles banales avec des copains, était quelque chose d’extraordinaire qui sortait du champ d’action de leur vie ordinaire, faite plutôt d’attente des expulsions, de retrouvailles avec les forces de l’ordre ou des indésirables de leurs propres rangs.

 

La répétition sert surtout aux repérages, un constat de l’état des troupes. Il est évident qu’avec si peu de contacts et de répétitions communes il ne sera pas possible de monter un spectacle selon les règles de l’art, où tout est prévu, projeté, appris, mis au point minutieusement. Il faudra faire avec ce qu’il y a. Avec une répétition en moyenne par personne, et encore, il y en aura certainement qui seront là sans avoir jamais participé à un atelier avec nous. Et pourtant ces spectacles sont très importants. De leurs succès dépend directement la suite des événements. Tout simplement est-ce que les jeunes vont revenir  de nouveau participer aux activités ou non. La scène, l’expérience émotive positive qu’elle procure, est notre arme principale, et tout spectacle, et même toute répétition sont à chaque fois des défis à relever, il faut les réussir au mieux, pour motiver tout le monde, pour que les jeunes n’abandonnent pas, pour qu’ils reviennent, pour qu’ils soient prêts à braver tous les obstacles pour continuer. Car il ne faut s’imaginer non plus que tout est aussi simple pour eux. D’expérience nous savons que pratiquement  tous les membres du groupe ont du à un moment ou autre faire face à de sérieux problèmes émanant de leur proche entourage, voulant les empêcher de continuer. Jalousies, calomnies, prises de main ont accompagnés souvent leur parcours. Il n’en est pas autrement ici. Alors nous savons que si nous voulons les garder auprès de nous, nous devons les motiver au maximum. Et notre motivation, c’est avant tout un spectacle réussi, haut en couleurs, que l’on a envie de recommencer. Et quelles que soient les conditions – même à priori impossibles, il faut y arriver ! Après un goûter furtif tout le monde repart et nous restons avec les anciens de Montreuil, à souffler un peu, puis à poursuivre de nouveau spontanément la répétition en chantant et dansant jusqu’à plus de 20 heures.

 

Le lendemain nous sommes venus directement sur Montreuil, au chapiteau près du camp des caravanes. Sans Parada, que nous retrouverons samedi, mais avec un nouveau groupe d’enfants du squat de la rue de Fraternité de Montreuil. Au départ la répétition était compromise, car étant déjà en route, après avoir vérifié par téléphone que tout était ok au camp, nous recevons un coup de fil de Lili nous prévenant que le chapiteau n’était plus accessible à la répétition, car elle ne pouvait pas être là et ne pouvait pas nous ouvrir la bâche. Nous n’avons pas réussi à trouver aucune solution de rechange, heureusement que les jeunes du camp ont trouvé un moyen comment rentrer au chapiteau même sans la clef, et lorsque nous sommes arrivés, tout le monde était déjà en place. Mais Lili n’était pas là, elle devait être auprès de sa belle-mère aux urgences, et nous manquions aussi d’accompagnateurs pour bien mener la répétition (ceux présents habituellement étaient tous pris ailleurs), surtout que nous avions une douzaine d’enfants nouveaux de le rue de la Fraternité qui venaient pour la première fois. Et nos instruments de musique étaient bloqués à l’atelier Coriandre avec Bielka qui ne pouvait être disponible plus tôt. Donc c’est dans une ambiance « surchauffée » que nous avons mené l’atelier, en essayant de maîtriser la scène et aussi tout ce qui était autour – les enfants en bas âge, débridés de touts côtés, excités par cette nouvelle expérience. En plus, tous les parents étaient là, mais ne bougeaient pas le petit doigt pour dompter leur progéniture.  Nous ne voulions pas les décevoir, et pour nos anciens ce fut une véritable épreuve que cette première en tant qu’instructeurs sous le chapiteau. Après deux heures sous un rythme soutenu nous avons quitté le chapiteau, et nous nous sommes rabattus rien qu’avec le groupe du camp des caravanes dans un AGéco au milieu du terrain. Comme à l’accoutumée, à plus d’une trentaine dans 10m carrés nous avons lancés des reprises de nos « tubes » afin de donner du cœur au ventre aux jeunes. Il n’en fallait pas plus. Une ambiance survolté était à son comble, lorsqu’ Argentina nous venait apostropher violemment pour que nous arrêtions immédiatement, soi-disant que nous empêchons ses enfants de dormir (pourtant jamais elle n’en prend soin). Un adulte du camp a voulu s’opposer à elle, il s’est pris de suite une chaise à travers la figure, nous battons en  retraite sur le champ. Même si elle est considérée comme « la folle du camp », nous n’avons nullement l’intension de nous opposer à elle. Il est près de minuit lorsque nous rentrons. Nous logeons chez moi, à Colombes, et les déplacements en transports en commun deviennent vite

aussi des épreuves avec plus de 3h par jour dans le métro, RER, trains. Cela fatigue et ça use.

 

Samedi nous avons prévu d’aller à la répétition de Parada à Aubervilliers, mais nous recevons un coup de fil du photographe de la Mairie de Montreuil pour des photos pour le journal municipal, alors nous faisons encore un détour par le terrain des caravanes. De nouveau, train, métro, bus. Une répétition est improvisée sous le chapiteau, on essaie de calmer Lili, très inquiète après les événements de la veille – le surnombre, l’absence d’encadrement et surtout l’échéance du spectacle venant, le trac étant au rdv. Nous continuons ensuite sur Aubervilliers via le métro et le RER, en amenant avec nous une douzaine de jeunes des caravanes. Parada était au grand complet, avec beaucoup de nouveaux. Nous lançons la répétition. Pareil. C’est surtout un repérage, alors on fait défiler dans un désordre apparent le maximum du programme afin de voir les réactions des nouveaux, leurs aptitudes, et aussi pour constater ce qui reste aux anciens des acquis de l’été. Tous ne sont pas là. Parada n’est pas non plus exempte des diverses guéguerres internes, et certains, des plus doués ne sont pas là. Il y a plus de 50 personnes à danser en même temps. Nous avons de quoi faire pour gérer tout cela. Heureusement Misa est d’un grand secours. On bénéficie de son autorité naturelle, mais il a aussi appris les bases de notre programme et même au niveau artistique il est capable de nous seconder efficacement. Pour des impératifs du règlement de la salle nous devons quitter les lieux vers 18h. Rentrer un peu plus tôt que d’habitude nous permet de récupérer un peu  et de préparer un bon repas chaud à la maison pour tout le monde. 

 

Dimanche matin la tempête qui s’abat sur la France endommage le chapiteau de Montreuil, nous offrant ainsi une journée de repos plus que méritée. En effet, jusque là un rythme soutenu de répétitions nous faisant des journées de 12 heures, nous a bien éprouvés, et tout le monde profite du dimanche pour récupérer au maximum. En fin d’après-midi, pris par des remords de conscience, nous décidons malgré la fatigue de partir pour Saint Denis, pour improviser une répétition quand même, comme nous l’avons fait maintes fois auparavant. Mais en arrivant, nous constatons que Misa a reçu une visite de sa famille de Roumanie, avec des bébés, et il est trop tard pour faire de la musique,  il n’y a pas de place pour jouer. Nous restons juste un peu pour discuter et nous rentrons chez nous.  

 

Lundi un programme chargé nous attend. En fin de matinée nous sommes reçus avec Misa et Coralie à l’ambassade de la Roumanie par Mr. Novac, premier secrétaire des affaires consulaires. A l’évidence, Misa est très bien introduit en ces lieux, par moment on croit que c’est lui l’ambassadeur, tant le respect que lui prodiguent les employés est évident. La discussion est constructive. L’ambassade est prête à s’engager dans des actions culturelles de visibilité avec nous, il ne reste qu’à fixer des dates. Toujours dans une „démarche politique“, nous courons ensuite à Versailles, où l’UFAT (Union nationale des associations tsiganes) organise une manifestation sur la place des Armes intitulée : « Nous rendons les poules ! » Puisque leur démarche n’est pas sans rappeler notre « Journée sans la manche » au Trocadéro, nous décidons de nous y rendre. Après avoir pris contact avec des organisateurs, nous les rejoignons et assistons aux discours dénonçant le carnet de circulation et lois discriminatoires envers les Tsiganes en France.  Tout se passe bien, bien qu’il n’y ait pas beaucoup de monde, juste quelques caravanes et une patrouille de police. Mais l’idée de l’action vaut bien le détour. Hélas, un individu nous apostrophe, comme quoi qu’est-ce que nous venons faire là, on n’a pas besoin d’étrangers…  Un discours déjà entendu de la part des tsiganes de souche envers les transfrontaliers. Les organisateurs, gênés, font évacuer le bonhomme. Nous réussissons même à faire  une  petite  intervention artistique et nous repartons pour Montreuil, où nous voulons faire un dernier filage du spectacle avec les jeunes du terrain des caravanes. Lili est totalement paniquée, elle a peur de rater sa première, elle préférerait tout abandonner. Nous faisons tout pour la rassurer. Mais nous n’en menons pas large non plus, en nous apercevant qu’il n’y a pratiquement pas de place sur scène pour que nous puissions danser ensemble, montrer notre travail, faire ce à quoi le concert était destiné. Un énorme piano à queue prend la moitié de la scène, les enceintes et tables de mixage, le reste. Il est réellement impossible, pour des raisons de sécurité élémentaire, de faire monter ensemble tous les gosses sur scène. Les organisateurs ne veulent pas non plus que nous intervenions en bas de la scène, parce que personne ne nous verrait alors. Donc un concert pour nous sans nous ! Au final ce concert de soutien pour les gosses des terrains devient un concert de suotien pour ce fichu piano trônant en plein milieu de la scène qu’il est techniquement impossible de déplacer en cours du spectacle. Le concert est censé de promouvoir notre travail, et au final il risque de le saper plus qu’autre chose. Si nous faisons venir autant de jeunes et d’enfants pour se produire et au final nous ne les ferons pas intervenir sur scène, nous pouvons être sûrs qu’ils ne reviendront plus jamais, déçus de s’être déplacés et avoir travaillés pour rien.

 

Cet incident a le mérite de poser crument le problème de l’aide humanitaire en général, et celle de notre groupe en particulier. Il est évident que pour perdurer nous avons besoins de finances. Tout aussi évident qu’un Sanseverino ou Emilie Loizeau vont drainer plus de monde et plus de sous que nous. Mais à quoi cela sert tout ça, si au final les sommes récoltés ne trouveront pas de bénéficiaires directs aux quels elles étaient sensées d’être destinées. La bonne foi des intervenants n’est absolument pas mise en cause. Les JMM nous ont suivis tout au long de l’année, nous épaulant plus d’une fois dans des actions concrètes sur les terrains, ils se sont énormément investis dans l’organisation de cet événement, et ils seraient tout aussi désolés que nous si au final le résultat ne serait pas probant. Alors que faire ? Nous ne pouvons que nous résigner à faire intervenir les groupes séparément, perdant l’impact et le plaisir de la masse lorsque nous sommes ensemble. Chaque groupe présentera son petit programme, et ensuite, bien que les organisateurs ne soient pas d’accord, nous descendrons en bas de la scène, au contact du public, et nous présenterons une partie de notre spectacle tous ensemble, tel que nous l’avons préparé en amont. Cela peut paraître futile, mais c’est très important pour les participants qui sont très susceptibles sur tout ce qui touche à leur image, sur l’égalité de leur traitement par rapport au temps de spectacle, etc. La preuve, c’est que malgré tout, après le concert le groupe de Parada se sent lésé, considérant qu’il n’a pas eu sa place à nos côté sur scène comme les autres, et ils ne veulent plus jamais revenir se produire à Montreuil. Oui, tout cela est désuet, mais lorsque nous savons combien il est difficile de réunir les Roms de différentes origines et provenances pour un projet commun, combien cela demande de travail - en fin de compte presque tout notre travail consiste à abolir ces entraves internes, alors on peut comprendre les enjeux d’une telle soirée pour nous. Qui sont tout simplement vitaux, dans le sens qu’il est primordial de gagner et de garder la confiance des Roms des terrains, et que cela n’est pas donné à tout le monde, donc il serait très dommage de gâcher cela. Malgré tout nous réussissons, je pense du moins, à produire un bon spectacle, faisant l’unanimité du public, une fois  de plus conquis par la force émanant de toute cette multitude de jeunes face à leur destin par la grâce d’une chanson, d’une danse… Nous essayons tant bien que mal de réparer les pots cassés avec Parada, qui a pourtant passé une éternité sur scène avec son Manélé, mais leurs garçons n’ont pas pu danser, donc tous étaient déçus. Des gentils intervenants nous demandent si nos enfants n’ont pas volé leur flûte traversière très chère qu’ils ont laissée traîner sans surveillance dans un coin. Ils nous ont même montré les éventuels coupables. Ils n’avaient rien à voir avec des Roms, et au final la flûte fut retrouvée quelques jours plus tard… Nous n’avons pas le temps de nous attarder. Après le spectacle nous courons prendre le métro, un peu désolés quand même d’avoir malgré tout entravé sur le temps de passage des autres intervenants venus nous soutenir.

 

Le lendemain nous prenons l’avion. Cette fois-ci nous avons de quoi prendre le métro et le bus. Nous arrivons en fin de journée à Bratislava, en ayant 5 heures à attendre le train de nuit pour rentrer sur Kežmarok. Nous faisons quelques emplettes au Tesco local, où la caissière en nous voyant arriver ne peut pas s’empêcher de constater « qu’il fait sombre d’un seul coup ». Elle ne s’est sans doute pas aperçue que j’étais là, alors elle me répond que c’est une remarque commune à tous les clients… ce qui n’est, à l’évidence,  pas vrai. Comment une femme de mon âge peut-elle dire une chose pareille ? En même temps cela constitue une motivation pour continuer, car après de semblables expériences comme celle que nous venons de vivre à Montreuil, éprouvantes psychiquement et physiquement, on se pose toujours la question du bien fondé de notre action. Continuer ou non ? Alors bien sûr qu’il faut continuer! Continuer pour apporter un rayon de soleil aux gens comme cette caissière offensant sans raison nos jeunes rentrants d’un spectacle international et d’un travail d’investissement humain remarquable. Bien qu’en revenant à la gare de Bratislava un peu avant minuit, en voyant toute la faune des pickpockets tsiganes traîner à la recherche de leurs proies futures, on comprend de pareilles réactions, sans pourtant les avaliser. Alors on se dit qu’il faut continuer, pour ce mini rayon de soleil aussi nécessaire sur les terrains de Montreuil où une révolution éclate, les parents non contents que l’on ait fait quelque chose avec leurs enfants, mais accusant virulemment Bielka et Lili de « s’en mettre plein les poches » à leur dépenses. A tel point qu’une semaine après une réunion est organisé avec un élu de la municipalité, responsable des Roms à Montreuil, pour expliquer la démarche et démentir ces accusations.

 

Ces suspicions sont une constante dans toutes les communautés rom que nous avons fréquentés jusqu’à lors. Elles sont une entrave, un frein véritable, une puissance rétrograde à tout ce qui est nouveau, sortant tant soit peu des sentiers battus. Et, hélas, ces sentiers battus sont la plupart de temps pleins de boue, pardonnez-moi l’expression, mais de boue humaine, faite sans doute de détresse accumulée au fil des siècles, mais n’en étant pas moins salissante et pourrissante tout autour, pour cela. Oui, comme toujours, le plus grand problème se pose au sein même de la communauté rom. Et je ne dis pas ça en tant que gadjo, je le dis parce que je le jour suivant, ma femme, Helena, rom à cent pour cent, s’est fait attaquer avec de pareilles invectives par ces mêmes ados que j’ai défendus deux jours auparavant au Tesco de Bratislava. Elle, qui les a choyés, chouchoutés durant tout le séjour à Paris, leur faisant des tartines au petit déjeuner, leur donnant cigarettes et petites bières en douce lorsque je ne regardais pas… Ce n’est, et de loin, pas la première fois, mais on a beau avoir l’habitude, on sait qu’ils vont revenir, penauds, en demandant le pardon, cela surprends toujours, et surtout, consomme une énergie dont on aurait besoin pour d’autres causes, un peu moins sordides. Mais que faire ? Puisque c’est comme ça  sans arrêt! Devenir ultra réactionnaires, comme le sont les tsiganes « évolués » en dehors de la porté des micros et des médias ? Faire semblant que l’on ne voit pas la réalité ? Ou alors ne la voir qu’avec des lunettes roses des incorrigibles éternels naïfs de l’humanitaire n’ayant jamais fait l’expérience du terrain ? S’enfermer dans des tours d’ivoire qu’avec des élus triés sur le volet, s’isolant des masses immondes, sales, callomniantes, injuriantes, volantes, agressantes.  Que d’invectives, toutes plausibles de procès moralistes sur la place publique, mais hélas prenantes toute leur amplitude au premier détour d’une ruelle d’un bidonville où qu’il soit. Et pourtant c’est là que nous puisons notre énergie, notre inspiration en la personne de ces innombrables jeunes pleins d’une soif de vie folle, bravant toutes les facettes de cette glauque réalité.  Ne pas tomber dans l’émotion. Alors que tout le monde y est jusqu’au cou… Analyser, se poser des questions sans arrêt, chercher des réponses, comprendre et encaisser… Continuer parce qu’à côté de cela il y a tout le reste, et cela, non plus, on ne le trouve nulle part ailleurs. Pour ne pas perdre du temps en de veines descriptions, savantes analyses et définitions, il suffit de voir un spectacle de Kesaj Tchave pour comprendre. Toute modestie mise à part…