Parole Caracole

 
 

Atelier Parole Caracole 25-26 avril 2016  

Atelier Parole Caracole 25-26 avril 2016........................................................................ 1

Mardi 26 avril : écrire sur les Roms................................................................................. 2

Inspiration : petite fée..................................................................................................... 2

la porte de Kronstadt (Ballade)……………Auteur : Claude................................................. 3

Les enfants de la fée ………………...Auteur : Marie-Christine............................................ 5

………………………………………………….Auteur : Anne...................................................... 6

Il chante, elle danse ……………….Auteur : Amandine........................................................ 7

Tziganes…………………………..Auteur : Jean-Yves............................................................ 8

Périphérique…………………………..Auteur : Véronique...................................................... 9

Eternels voyageurs …………………Auteur : Caroline........................................................ 11

Orange Rakusy……………………..Auteur : Dominique...................................................... 12

Mardi 26 avril  Ecrire un avenir pour « les enfants de la fée » et les jeunes Roms               14

Inspiration Flaubert.......................................................................................................... 14

Utopie (nouvelle)………………………Auteur : Claude.......................................................... 15

…………………………………………………Auteur : Annick.................................................... 17

Spectacle………………..................... Auteur : Marie-Christine........................................... 18

La cigogne et la fée……………………..Auteur : Amandine.................................................. 20

Le harpiste de la rue Michalska………Auteur : Amandine................................................... 21

Mission Impossible ……………………Auteur : Jean-Yves.................................................... 23

Si tu y crois……………………………..Auteur : Véronique..................................................... 25

Nuit étoilée……………………………..Auteur / Johanna........................................................ 27

Ecoute le chant des enfants de la fée…......Auteur : Dominique.......................................... 28

 


 

 

 

Mardi 26 avril : écrire sur les Roms

Inspiration : petite fée

Peter pan, chaque fois qu’un enfant ne croit plus aux fées, il y a une petite fée qui meurt

Les contes de fée sont les seules vérités de la vie

Are you looking vor a meaning to your life, Ask yourself who and how you can love Sœur Emmanuelle

Lorsque nous reconnaissons vraiment qu’un changement s’impose, alors notre esprit est prêt à changer

« nous n’avons pas encore appris à marcher sur la terre comme des frères et sœurs »

 


 

la porte de Kronstadt (Ballade)……………Auteur : Claude

Le 15 novembre 1407 le comte Emmaüs et vingt compagnons se présentèrent devant les remparts de Kronstadt en Transylvanie. C’est la première mention de l’arrivée des Roms en Europe.

 

Ils sont venus un jour de pluie, faces brûlées par le soleil d’Egypte.

Ils sont venus, devant la porte de Kronstadt  alors que la nuit tombait.  Qui va là ? demanda le gardien. Gardien o gardien de la ville, je suis le comte Emmaüs et mes vingt compagnons. Je viens du pays où coulent les grands fleuves. Va mander le Burgrave par la Sainte Vierge et la paix sera avec lui pour l’éternité.

Ils sont venus un jour de pluie dans le vent froid de Transylvanie. Par Sainte Vierge, ouvre-nous. Ouvre tes lourdes portes belle ville. Vingt familles chassées des terres du Gange. Sur la croix de Pierre Nous allons en pèlerinage. Donne nous asile pour la nuit.

Ils sont venus, annonça le gardien au Burgrave Jean. Ils sont là devant la porte. Le comte Emmaüs et ses vingt compagnons, leurs chevaux leurs chariots, leurs femmes enfants et troupeaux. Il neige et la nuit tombe. Ils t’implorent au nom de Marie et la paix sera avec toi, pour l’éternité.

Ils sont venus pensa le Burgrave. Ils sont venus, Ils resteront, ils reviendront. Voleurs de poules et de cochons, sales comme la boue sur leur visage. Sans loi ces Manouches, gens du voyage. Acrobates, sorciers, sorcières et enjôleuses. Ferme bien ta porte, gardien. Ne laisse entrer personne. Si tu en laisse entrer un seul, la guerre et la pauvreté règneront sur la ville, pour l’éternité.

Ils sont venus devant Kronstadt, ils priaient la Vierge et les Saints, Jamais il ne fit si froid. A minuit devant la porte fermée, le comte Emaus cria : Gardien, gardien, ouvre la porte. Ouvre la porte, au nom du Christ. Nous venons d’un pays où coulent les grands fleuves, nous savons danser, chanter, conduire les chevaux et tresser les paniers, nous connaissons l’amour et l’avenir. Ouvre-nous et la paix sera sur la ville pour l’éternité.

Ils sont venus pensa le Burgrave Jean, ils connaissent l’amour et l’avenir, ils ont des filles belles et sauvages, des chevaux fougueux et des acrobates. Dis leur gardien me laisser la plus belle, la belle Maria la fille du comte, et leur ouvrirai au matin.

Ils sont venus, comte Emmaus, ils veulent emmener ta fille,  ta belle Maria,  pour le Burgrave elle dansera, et demain nous entrerons dans la ville.

Ils ne viendront pas dit le comte, ma fille, mon trésor, mon amour. Nous marcherons main dans la main. Nous aurons faim, nous aurons froid moi et mes vingt compagnons. Nous voyagerons de par la terre et dormirons sous les étoiles.  Je leur laisserai un cadeau et la mort sera sur la ville, pour l’éternité.

Elle est venue, sous un voile blanc,  belle faucheuse, dansant, chantant. Voleurs de poules, voleurs de vent,  pleure sur ta ville Burgrave Jean.

 


 

 
 
Les enfants de la fée ………………...Auteur : Marie-Christine

 

 

Je dis : roulottes, et les roues grincent sur des chemins oubliés.

 

Je dis : feux, et mille étincelles s’envolent avec les rires et les chansons.

 

Je dis : guitare, et vous, les fils du vent, vous chantez et dansez.

 

Je dis : gadjo, il t’effraie, tu le crains mais tu le voudrais comme ami qui te respecte.

 

Je dis : Rom, tu me dis liberté et partage.

 

 


 

 

………………………………………………….Auteur : Anne

 

 

 

 

 

Petite princesse indolente

Aux longs cheveux dénoués

A la taille gracile

Aux yeux mi-clos

comme une déesse khmère

 

Ne reste pas figée dans les glaces du malheur et de la fatalité

Mais laisse la chaleur du mouvement s’emparer de ton corps

Tes jambes piétiner les préjugés,

Tes épaules trembler de désir,

Et ta main tourner dans le ciel

Comme une fleur arrachée à la pesanteur du monde enlisé dans ses peurs

Pour nous entraîner dans le tournoiement infini de ta danse

Dont le vertige devrait nous saisir, nous les gadjé,

Qui ne savons plus que vendre, vendre la terre, et l’eau, et la lumière,

Et bientôt l’air, sans doute,

Où passent pourtant les oiseaux du voyage.

 


 

 

 

Il chante, elle danse ……………….Auteur : Amandine

 

Il chante, pour nous, son identité. Il chante les légendes racontées, il chante les prières psalmodiées, il chante les Hommes, leur Histoire, avec une grande hache.

Elle danse. Elle danse l’allégresse, elle danse l’énergie de toute la communauté. Elle danse, pour nous, son identité.

Il chante pour nous faire oublier. Oublier nos préjugés, notre ignorance malmenée. Il chante pour pleurer, contre l’exclusion des siens sur la terre où ils sont nés.

Elle tourne, elle danse. Elle tourne sur la pointe des pieds, tel un derviche aguicheur qui voudrait nous enlever. Elle danse, elle se moque, de ses seins déjà lourds, de son corps, un jour déformé par le fruit de ses noces.

Il chante, il murmure, ses paroles précieuses, ses trésors dissimulés, ses secrets dévoilés, son amour ravalé. Il chante, il crie. Il crie la haine en lui, il crie la musique, la mélodie.

Elle chante avec lui, elle crie, elle implore les icônes, les fées bienveillantes.

Elle chante avec lui, la beauté des routes explorées, des chemins tracés. Ils chantent ensemble le souvenir de la boue collante, des terrains glacés. Ils gémissent, ils pleurent, les souliers troués, les roues des caravanes cassées.

Lui, elle, elle, lui, et encore eux… Tous, ils dansent, se déchaînent, dans une synchronie endiablée. Ils courent, ils sautent, se libèrent, du démon qui les enchaînent à cette minorité rejetée.

Ils dansent, ils tournent, ils frappent. Ils frappent des talons, des mains, de tout ce qui résonne et fait trembler le plancher.

Ils chantent, ils hurlent, nous éduquent.

Ils nous enseignent les déhanchés, les valses à mille temps, ils nous font tourner.

Ils nous invitent dans leur univers, qui, déjà, a perdu quelques notes de son mystère.

Lundi 25 avril, école de Kesaj Tchave, Kezmarok


 

 

Tziganes…………………………..Auteur : Jean-Yves

 

Je dis guitare. Un 45 tours fait vibrer le saphir d’un Teppaz sous les doigts de Manitas de Plata.

Je dis bohémienne. Une diseuse de bonne aventure scrute dans une main des chemins de fortune ?

Je dis fleuve. Sous un pont des volutes s’échappent d’une cheminée inclinée. Quelques tôles et des cartons. Un camp de romanichels a jeté l’ancre loin du port.

Je dis crinière. Un cavalier basané monte à cru un pur-sang noir en effleurant son encolure.

Je dis ébène. Une chevelure ondule au vent autour d’un visage de fée.

Je dis danse  . Une longue jupe et un châle couleur fauve tournoient sans fin dans le reflet des chandelles au rythme endiablé d’un archet.

Je dis mer. Les flammes crépitent au son de la guitare et des violons. Des cœurs puissants s’élèvent dans la nuit. Sainte Marie, entends tu ces prières ?

 

 le 25 avril 2016


 

 

Périphérique…………………………..Auteur : Véronique

 

Les ombres dansent dans la nuit jaune, les hommes préparent le feu et les femmes portent le lourd chaudron pour une maigre soupe sans lard. Quelques plastiques sifflent, le vent gémit entre les cartons mal dépliés. Entre les klaxons, les cuillers raclent les bols en fer blanc, les langues claquent et réclament un supplément qui ne viendra pas.

Entre la trouée jaune et blanche des phares, les femmes veillent leurs enfants, inquiètes.

 

Elles disent :

Aujourd’hui, nous venons du lointain Orient,

Aujourd’hui nous nos pères mènent leurs roulottes dans le sable du Nil,

Aujourd’hui nos mères lavent le linge bigarré dans les eaux du Gange,

Aujourd’hui la vie va son chemin.

 

Elles chantent le feu des jambes, l’éclair des yeux, le noir des cheveux.

Elles chantent et elles disent, aujourd’hui nous sommes sur les routes du monde.

 

Elles portent le riz à l’eau qui chauffe, elles portent le gras du porc qui réchauffe, elles portent l’enfant qui crie et qui a faim et qui s’échauffe.

 

Elles disent :

Aujourd’hui, nous longeons le fleuve, large et puissant comme les bras des hommes, fougueux comme nos chevaux, sûr comme le vent qui dévale et la pluie qui lave.

Elles disent et dansent la valse des jupes, le sinueux des poignets, les claquettes des pieds, elles disent et dansent et chantent la vie qui va son chemin.

 

Ils disent :

Aujourd’hui nous gagnons les forêts, nous cachons dans les bois,

Aujourd’hui le feu s’éteint,

Aujourd’hui la peur est notre demeure

Aujourd’hui ils disent et ne chantent pas.

 

Ils disent et ne chantent pas et ne dansent pas la vie qui s’en va dans les airs.

Ils murmurent la peur et la terreur

Ils soufflent le dernier cri, ils expirent la dernière joie

A Treblinka, Mathausen ou Buchenwald,

ils ne disent, ni ne chantent ni ne dansent leur âme qui va son chemin

 

Elles disent :

Aujourd’hui, nous revenons des camps, nous oublions le lait noir du soir et du matin

Elles disent et chantent la roulotte qui cahote, la cheminée qui fume

Elles disent et chantent et dansent la vie qui revient

 

Aujourd’hui, entre la trouée jaune et blanche des phares, les femmes veillent leurs enfants, secrètes.

Mardi 26 avril Nova Lesna, danses et chants du groupe de jeunes Rom les enfants de la fée

Lundi 25 avril Les enfants de la fée Ecrire sur les Rom


 

Eternels voyageurs …………………Auteur : Caroline

Je pense « Roms » et je vois ces éleveurs de chevaux galopant dans les steppes d’Europe Centrale.

Je pense « Gypsie » et je vois ce peuple venu du fond des âges, attaché à son identité et aux respects de ses traditions, faisant face à la fatalité.

Je pense « Gitan» et je vois ces saltimbanques tirant leur roulotte sur les routes, victimes de l’hostilité et de l’incompréhension du monde.

Je pense « Nomade » et je vois la liberté de ce peuple en perpétuel voyage, sa foi et sa confiance inébranlable en sa destinée.

Je pense « Tribu » et je vois l’allégresse, la beauté de ces jeunes s’unissant pour la vie en ce grand jour où la fête les a tous réunis sur ce terrain vague.

Je pense « Cartomancienne » et je vois le regard à la fois dur et charmeur de cette femme cherchant à l’envoûter avec ses cartes.

Je pense « Tsigane » et je vois ces bidonvilles installés dans la boue, cet amas d’immondices cachés sous une lumière blafarde.

Je pense « Bohémienne » et je vois sa robe multicolore aux jupons ourlés de dentelle, se soulever pour attraper les fruits du verger.

Je pense «  Romanichel » et je vois le regard noir, plein de malice de ce gamin aux cheveux couleur ébène qui me sourit et me demande une piécette.

Je pense « Manouche » et je vois ces musiciens jouant du violon et de la balalaïka, remède parfait contre la tristesse et la grisaille du monde.

Je pense « Ritanos » et je vois cette jolie fille tournoyant et dansant, le jeu de ses mains, la courbe de ses hanches les incitant à frapper le rythme en cadence.

Je pense « Kesaj » et je vois la fée se pencher pour guérir l’âme de cet enfant en guenilles.

Je pense «  Django » et je vois ce guitariste jouant pour réconcilier tous ces hommes en éternel voyage.

Je pense « Slovaquie » et je vois les mines réjouies de tous ces jeunes virevoltant et chantant pour leurs amis émus jusqu’aux larmes.

Je pense « Romani » et je vois ces mots gravés comme une mélopée, miracle du renouveau tsigane.

Je pense « Minorité » et je vois que le changement voulu est possible en ce monde et que la fraternité aura le dernier mot.

 


 

Orange Rakusy……………………..Auteur : Dominique

 

Rakusy, un début d’après midi

Froid humide, regards surpris peut-être inquisiteurs

Qui est ce visiteur avec son éclaireur ?

Voiture orange  au milieu des ruelles

Cris  d’enfants, soleil dans les prunelles

Voiture orange

Attente,

Palabres 

Monteront- ils dans la voiture gadjo ?

Voiture orange, fruit exotique

Esprit en panique

Images en kaléidoscope

Gauloise ou Gitane

Une fumée blanche enroule de ses volutes le chanteur impénitent

Il a choisi son camp

Camp de manouches

C’est louche

La silhouette gracile de la bohémienne rougeoie comme la cendre

Dans les lignes de ta main, un cœur à prendre

La roulotte cahote dans un pays perdu

Roi de cœur ou roi  de pique ?

Familles sur le carreau

Familles sans le sous

Dans la forêt, balafre de boue

Circulez y’a rien à voir

Remballez votre carnet

Voleurs de poules

Gadjo dilo

Embarquez-les !

Tsiganes, Gitans, Romanichels,

Il faut vous faire la belle

Ecoutez ma guitare

Moi ma vie c’est le jazz,

Moi je suis ferronnier

Moi je veux travailler

Et moi je ne sais pas, qui guidera mes pas.

 

Rakusy, un début d’après midi

Voiture orange

Sur le pas de la porte, les yeux aux aguets, une femme un enfant dans les bras

Regards échangés

Sans parler

Sourires

Faut y aller

Allons chanter et danser

Cyril a fait mouche

Anita, Stanko, Erik, Christian Maria…

Ca bouge

On rit dans la voiture orange

Premières paroles, mots slovaques, romani ou  français

Tout se mélange, on échange

Sur la famille, sur nos âges

Ils sont Roms. Je suis Gadjo

On file comme un seul homme sur la petite route

Voiture orange, préjugés en déroute.

 

Quelques jours après le lundi 25 avril 2016

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Mardi 26 avril  Ecrire un avenir pour « les enfants de la fée » et les jeunes Roms

Inspiration Flaubert

« Je me suis pâmé il y a huit jours devant un campement de bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable c’est qu’il excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Cette haine là tuent à quelque chose de très profond et de complexe, on la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités ; elle m’exaspère. » Gustave Flaubert

 

« Le peuple rom est  comme un fleuve qui se sépare au moindre obstacle pour mieux se retrouver plus loin, ailleurs et là, toujours la musique, par delà les mots »  Jean Yoors, Tsiganes

 

« J’ai toujours préféré les fleuves à la mer » Andrée Chedid.

 

« Par le morne regret des chimères absentes »

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal 1857

 

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » Antoine de Saint-Exupéry

 

Il y a des Roms célèbres


 

 

 

Utopie (nouvelle)………………………Auteur : Claude

 

Je me souviendrai toujours de la première fois où je l’ai vue, c’était en 2016 au temps de l’Union européenne dans la petite ville d’Havronica en Slovaquie. Ivan nous avait mené à la rencontre des Roms, dans le bidonville sinistre, perdu dans un brouillard gris. Entre les baraques sales,  le sol était jonché de détritus. Les enfants semblaient indomptables : libres et fiers, mais violents aussi. Ivan et sa femme parvenaient au prix d’une infinie patience et de sérieux coup de gueule les à faire danser et chanter et avait même réussi l’exploit de les mener plusieurs fois en tournée en France. C’est notre utopie, répétait-il, sans rien cacher des « problèmes rencontrés », rackets, filles mariées de force, société de caste, oisiveté, consanguinité, il parlait avec tant de fierté des quelques bacheliers, une poignée, sur plus de 50 000 Roms du canton qu’on n’osait pas trop penser à l’avenir de tous les autres enfants.

A l’occasion de notre visite, Ivan avait organisé deux spectacles de danses Tsiganes avec les enfants des bidonvilles. Il avait prévu aussi un accueil par le maire d’ Havronica, une visite de l’école spécialisée dans l’éducation des Roms, une rencontre avec la directrice, le personnel enseignant, les responsables de l’orphelinat. C’est là que je l’ai rencontrée :  ses yeux pétillaient de joie lorsqu’elle chantait pour nous « frère Jacques » en français.  « Zusanna Levoca ,avait prononcé fièrement son institutrice, elle veut être avocate ou juge et elle va y arriver ! j’ai confiance ! »

C’est difficile à comprendre aujourd’hui, c’était en 2016, il y a bien longtemps maintenant. Il y avait encore des écoles Roms, elles étaient bien équipées. J’avais été émerveillée par la salle informatique, les tableaux numériques interactifs. La Slovaquie investissait largement dans l’éducation des plus pauvres. L’Union européenne exigeait que les minorités soient respectées, instruites et tous recevaient des allocations qui leur permettaient de survivre, pauvrement, certes, mais l’espoir n’était pas interdit. Le maire de la ville qui nous avait invité à dîner était un Rom, né dans le bidonville. L’école lui avait permis de s’instruire, de passer le bac, d’aller à l’université, d’être élu. La directrice regardait avec fierté son ancien élève.

Le jour même, je m’en souviens parfaitement, j’avais lu pour la première fois dans un article du Monde le nom de Marian Kotleba. A l’époque, il était peu connu, juste un député d’extrême droite de Banska Bystrica. Elu depuis 2013, ce leader neonazi, n’était alors qu’un skinhead habitué à la chasse aux Roms. Il avait fondé le parti LSNS « Notre Slovaquie » et ne parlait pas encore d’extermination.

La suite, on la connaît trop bien. La vague brune submergea petit à petit les anciennes républiques populaires. On prétendit que Kotleba avait organisé des expéditions punitives, allant jusqu’à brûler des campements et des bidonvilles et massacrer des enfants Roms. Une fois élu président, il fit fermer les écoles, emprisonner les Roms pour le moindre prétexte. Il supprima les allocations familiales, fit renvoyer  tous les travailleurs sociaux qui oeuvraient depuis des années à construire un avenir aux populations les plus pauvres. Sa popularité était au zénith. Nombreux étaient les gens d’ordre heureux qu’on mette enfin ces « Manouches » dans le rang. Dans le pays, il y en avait de moins en moins.

Kotleba était reçu à l’égal des plus grands chefs d’Etat. « Il faut être réaliste, et fermer les yeux. Pas d’ingérence ! au nom de quoi donnerions nous des leçons à un Etat souverain ! » Les journalistes qui osaient le critiquer se taisaient, les uns après les autres. Je préférai me taire, moi aussi, à la première menace.

Cela dura de longues années, Jusqu’au jour où une femme, eu l’audace de le poursuivre devant le tribunal pénal international de la Haye. Plusieurs fois elle échappa à un attentat, son frère mourut à la suite d’une rixe.  Sa fille dut se réfugier en Angleterre sous une fausse identité

Mais elle réussit  à force de ténacité à obtenir la condamnation de Kotleba pour crimes contre l’humanité. 

Je me souviendrais toujours de sa fierté lorsque la sentence fut prononcée. J’étais en face d’elle, avec les journalistes, elle croisa mon regard, et je crois qu’alors elle me reconnut, la petite fille d’ Havronica, Zusanna Levoca.


 

…………………………………………………Auteur : Annick

 

Le chemin de Yarro, s’était rétréci. Il avait entendu des conciliabules secrets. Il supputait les jugements. Le mépris l’enveloppait de sa gangue gluante.

Sa femme l’avait plaqué, il avait perdu son travail. Le rejet atavique avait enfoncé son clou.

Yarro décida de partir. C’était le milieu de printemps, quelque chose en lui bougeait, comme à chaque printemps.

 

Au confluent des deux routes il choisit de suivre la route des pommiers parce qu’ils étaient en fleur.

Il marchait les prunelles ardentes. Il marchait le regard allongé sur les Tatras enneigées. Dans le chant du grillon, il entendit, l’appel prophétique de Cybèle. Il posa ses pieds sur les courbes des collines, on croyait qu’il marchait dans le ciel, sa tristesse accrochée aux nuages et aux branches basses des épicéas.

Quelque chose de neuf, quelque chose de léger rendait son voyage possible.

Un paysan l’interpella : «  Vous allez loin ? » 

« Comment vous le savez ? » répondit Yarro

« Vous marchez lentement. Celui qui marche en douceur va loin. »

Un frémissement qui tenait de la joie le traversa. Dans son rêve une fée lui avait montré du doigt la ville de Kezmarok, au Nord-Est.

 

Depuis cinq ans maintenant, Yarro chantait et jouait. Il chantait le fondu enchaîné du temps. Ses doigts courraient sur les cordes de sa guitare.

Il n’avait pas préparé son voyage mais son destin avait trouvé sa route.

 

 


 

Spectacle………………..................... Auteur : Marie-Christine

 

Ce matin, nous avons vu un spectacle !

C’était génial, des jeunes roms, comme nous, qui dansaient, chantaient, jouaient de la musique. C’était bien, j’aurais aimé être à leur place.

Il paraît, c’est notre prof qui nous l’a expliqué, que, chaque année, pendant l’été, ils partent un mois ou deux en France ou dans d’autres pays d’Europe pour présenter leur spectacle. Tu imagines la chance…dommage que je ne les ai pas vus avant, j’aurais parlé à Ivan, leur chef, et peut-être qu’il m’aurait prise dans leur troupe.

J’ai déjà beaucoup dansé dans les fêtes de famille et ma grand-mère m’a prêté sa robe, une robe rouge magnifique…alors j’aurais pu…Mais ne rêvons pas…je ne partirai jamais avec eux maintenant. Je pense à tous ceux qi sont dans le groupe et j’espère que cela va leur servir. Ils n’ont pas le droit de gâcher cette chance !

 

Après le spectacle, des français sont venus dans notre classe, je n’ai pas très bien compris ce que nous a dit notre prof…ils étaient écrivains ou quelque chose comme ça…beaucoup de femmes, elles avaient l’air gentilles !

Ils ont visité toute l’école et sont allés dans plusieurs classes. Je le sais parce que Véréna, ma petite sœur, a répété un petit air de pipeau, pour pouvoir le jouer devant les visiteurs et Yunes, un de mes frères, a préparé un rameau de buis à leur offrir.

Nous, dans la classe, on a fabriqué des fleurs en papier crépon et on les leur a offertes. Nous n’étions pas nombreux car beaucoup savent déjà où ils iront en apprentissage l’année prochaine et ne veulent plus venir en classe. Mais c’était bien parce que ceux qui étaient là ont su expliquer ce qu’ils allaient faire l’an prochain : Dominica sera dans le tourisme, Aldo et son copain travailleront dans la mécanique, Yann et Peter dans le bâtiment.

J’étais un peu gênée quand ce fut mon tour de parler, tout le monde avait bien vu que j’attendais un bébé. Enceinte de 7 mois à 15 ans à peine, je sais bien qu’ils ont du être étonnés. Pourtant, chez nous, les roms, c’est souvent comme ça.

J’aurais tellement aimé avoir un métier, dans le tourisme comme Dominica. Elle a de la chance, elle pourra commencer à travailler avant d’avoir des enfants, puis peut-être retrouver son emploi quand ses enfants iront à l’école. En tout cas, si j’ai une fille, je l’encouragerais à faire ça.

Pas question qu’elle reste enfermée à la maison à garder les enfants, faire ménage, lessive et courses, tous les jours.

Il faudra que j’essaie moi aussi de travailler quand mon bébé aura grandi, plutôt mes bébés…on va en avoir plusieurs avec Cristian…je l’aime tellement…

Je veux qu’il trouve un bon métier pour qu’on puisse avoir une petite maison avec de l’eau, de l’électricité et une cuisine.

On va se débrouiller, j’en suis sûre. C’est déjà bien qu’on soit allé tous les deux à l’école jusqu’à 15 ans et que lui commence son apprentissage. Moi, je pourrai aider nos enfants quand ils iront à l’école, je veux qu’ils apprennent un métier.

 

Et puis, on fera des fêtes, avec de la musique, des couleurs et des rires…et j’apprendrai à danse à mes filles…


 

La cigogne et la fée……………………..Auteur : Amandine

 

Il faisait encore chaud quand dame cigogne ouvrit les yeux. Elle aurait avec plaisir prolongé son somme de quelques heures encore, profité de la chaleur douillette du nid que monsieur cigogne leur avait battit… mais du haut de son donjon, dame cigogne se délecta avec surprise de l’animation naissante au bourg du village.

Des mères au foyer promenaient leurs petits emmitouflés dans des duvets recyclés. Certaines, le ventre rond, se préparaient à la ponte. Toutes bavassaient, riaient, se racontaient les tracas quotidiens : les dents percées, les dents tombées, les douleurs supportées. Elles parlaient cuisine, ménage, elles se plaignaient de leurs époux, la veille, rentrés trop saouls. Elles conseillaient celle dont tous les soucis allaient devenir siens, celle qui n’écoutait pas, n’écoutait plus, celle qui savait déjà. Celle qui, comme toutes les autres, était née pour ça.

Petit à petit, dame cigogne sortait de sa torpeur matinale, s’ennuyait, espérait, en couvant, le retour de monsieur. Dame cigogne se savait belle, plus noble que toutes les femelles du village. C’est ainsi qu’elle accepta de poser pour les appareils amateurs de ces badauds venus d’ailleurs, bientôt déçus par la monotonie environnante. Comment ces occidentaux avaient-ils pu arriver dans cet endroit perdu de Slovaquie orientale ? Les gadjos, tout penauds, se dirigèrent vers le bourg, à tâtons… C’est à l’arrivée de cet énorme engin à essence, une sorte de roulotte pour riches appelée « autobus », que dame cigogne comprit que l’ennui du hameau serait bien vite perturbé.

Curieuse et confuse, elle considéra l’idée de quitter son nid pour ne pas manquer un soupçon de la zizanie. Elle pourrait, plus tard, conter cette histoire à ses petits cigognons ! Mais si… et si en son absence… Elle prit son courage à deux ailes et s’envola sur le toit du théâtre où les festivités allaient commencer. Tous étaient là : gadjos, tsiganes… même ce vieux fou d’Ivan et monsieur le maire s’étaient déplacés. Tous affichaient des sourires hébétés.

Alors, un par un, ils apparurent radieux dans leurs costumes, étincelants comme les flammes, luisants comme la braise. La fierté. C’était le sentiment, si rare ici, que dame cigogne lisait dans le regard des mômes qu’elle avait bien connus… Marta, Elena, Cyril, Cristiano… Une fois leurs paniers déposés, dame cigogne les avait confiés à la réalité. Ils avaient tous enduré la misère à laquelle ils étaient destinés. Puis, de nulle part, avait surgit une petite fée…              Mardi 26 avril, pension de Nova Lesna

 

 

 

Le harpiste de la rue Michalska………Auteur : Amandine

C’était une matinée fraîche et ventée. Les serveurs balayaient sur les perrons les débris de verre et les vomis de borovicka asséchés. Ils bayaient, soupiraient de ces derniers efforts avant de pouvoir tomber dans leur nuit décalée. Les boutiquiers sortaient les tourniquets de cartes postales : le château, le pont Neuf, les statues, le Danube… Déjà, les premiers touristes venus d’Orient, appareils photos aux aguets, dévalaient les rues de Bratislava, la modeste, la nouvelle, la slave, la boule à neige.

Bratislava, seule ancêtre connue du vieil harpiste de la rue Michalska. Personne ne savait où il résidait ni comment il s’appelait, mais tous savaient le trouver aux croisements de ces dames Sedlarska et Klariska ulica.

Il arrivait par le tunnel gris de la bibliothèque universitaire, couloir musical, silencieux aux aurores, mais qui s’animait à la tombée de la nuit quand lui, le vieil harpiste, terminait sa journée de travail. Il passait le relai à ses jeunes collègues : Peter, le guitariste caucasien et son compère improbable, un gamin rom. Le harpiste voyait souvent trainer ce gosse dont les traits égyptiens se démarquaient des beautés diaphanes locales. Le petit tsigane déambulait seul et proposait ses services de percussionniste à tous les musiciens de la ville. On entendait souvent les passants vanter ses talents de batteur plutôt que de chapardeur. Il avait le rythme dans la paume, une douleur électrique qu’il faisait jaillir au bout de ses doigts : bois vernis, ardoises, pavés, tous les matériaux convenaient à ses mains de magicien, et à défaut, il les faisait retentir contre ses cuisses.

Le vieil harpiste de la rue Michalska se contentait de le saluer de la main. Il parlait peu et doutait que le gamin comprenne le slovaque, mais une complicité s’était établie entre eux… Une soirée glaciale de février, alors que le vieillard avait joué toute la journée, le petit tsigane l’avait aidé à protéger de la neige épaisse et vive, son bien le plus sacré. Il l’avait conduit dans un café d’à côté, puis avait compté les pièces de monnaie gagnées au cours de la journée. « Un café bien chaud, prosim, et des bryndzove halusky... » Il avait enseigné au serveur ses quelques euros. Ce dernier avait soupiré, puis acquiescé. Après tout, c’était un petit habitué.

Peu à peu, les doigts gelés du vieillard avaient retrouvé leur couleur d’origine, leur vitalité, leur virtuosité, au contact de la tasse de café. Le serveur apporta l’assiette fumante au gamin. Le gamin la donna au vieillard. Le vieillard regarda le gamin. Le gamin ne buvait rien, ne mangeait rien. Le vieillard prit la fourchette, donna la cuillère au gamin. Ils dînèrent, ensemble, sans un mot.

Depuis ce soir où il avait senti son cœur ralentir dans la brutalité hivernale de Bratislava, le harpiste pensait souvent à lui. Il pensait à elle, aussi, son amour de toujours, sa raison de se lever, de persévérer. Il leur imaginait un avenir commun : la harpe délicate aux mains du petit tsigane. L’idée était folle, grotesque, même ! Ce gamin avait des mains talentueuses, mais elles resteraient à jamais rugueuses et destinées aux airs de kermesses. Comment la belle aux cordes fragiles se laisserait-elle apprivoisée par un autre que lui ? C’est pour répondre à la question de sa douce que le vieil harpiste de la rue Michalska réfléchissait à une pédagogie adaptée… On disait que les manouches faisaient la musique sans savoir la lire, qu’ils la déchiffraient à l’oreille, que tout était sensibilité. Il savait que le gamin n’avait jamais vu de partition mais qu’il faudrait faire avec car il n’en avait pas non plus, ou plutôt, car il n’en avait plus. Ses partitions avaient brûlé avec tout le reste ce jour où ils étaient venus le sortir de la philharmonie, fusil sur la tempe. Cette même nuit passée à répondre aux questions. Cette même nuit où, de peur, elles avaient fui toutes les deux.

C’était décidé. Il allait l’éduquer, lui enseigner le secret de toutes les cordes, la fragilité des unes, la douceur des autres, et les mélodies que toutes, emmêlées, elles avaient le pouvoir de créer. Il allait lui confier tous ses secrets, puis la lui donner au risque de la sacrifier, elle, sa sœur, sa femme et sa fille toutes à la fois, son instrument cassé et rafistolé, sa harpe bien aimée.

Dimanche 24 avril, Hôtel 16, Bratislava

 

 

 

 

 


 

Mission Impossible ……………………Auteur : Jean-Yves

 

Il était venu là le gadjo du ministère de l’Education. Il savait bien qu’il allait s’arracher les derniers cheveux qu’il avait sur la tête. Pourquoi lui avait-on confié cette impossible mission ? Kežmarok sonnait dans son oreille comme une punition. Pourquoi lui demander de trouver une solution pour donner un métier à tous ces bons à rien, pour sortir du marasme ces jeunes bohémiens ?

Il avait slalomé entre les nids de poule, évité trois gamins qui s’étaient jetés sous ses roues, maculé de boue sa voiture de fonction.

J’espère que dans ces rues il n’y a pas de vieux clous, se disait-il. Si je crevais un pneu ici… Evacuer ces frayeurs au plus vite. Penser que chaque journée finit par se terminer, que le pire n’est jamais sûr…

Il avait rendez-vous avec une directrice d’école. On lui avait dit qu’elle serait dans un petit théâtre. Encore un petit effort, il allait arriver. A l’entrée on lui indiqua un escalier, un spectacle allait se terminer.

Il entre dans la salle et ses tympans explosent. Sur la scène des jeunes martèlent le sol en un rythme infernal. Ils sont suivis par des jeunes filles qui font virevolter leurs robes en corolles multicolores. Un vertige le prend. Son esprit vacille. Un étau se referme sur ses tempes. En plus il a oublié ses cachets… Tous ses voisins claquent des mains.

Il s’assied au fond, regarde un moment, puis, n’y tenant plus, il ressort à l’air frais, retrouve le calme dans sa voiture, s’y installe confortablement.

A l’abri du bruit et du vent de la nuit il incline son siège et savoure l’instant, laisse ses paupières se fermer doucement.

C’est le début le l’automne. C’est le temps des vendanges. Il voit une grande cuve. Un groupe de jeunes hommes martèle le raisin à un rythme infernal. Pas besoin de pressoir. Le jus sort et s’écoule vers un grand tonneau. Il pétille déjà. C’était donc cela le secret du mousseux qu’ils appellent champagne de Slovaquie ?

Au bord d’une rivière d’autres piétinent l’eau qui jaillit. Un brouillard s’élève dans les airs. Les poissons affolés bondissent en tous sens et les filles les recueillent dans les filets de leurs robes multicolores. C’était donc çà les pêches miraculeuses ?

Un ours dangereux terrifie la contrée. Il vient paraît-il de Transylvanie. Un groupe chante une berceuse si douce que l’ours, qui raffole du miel et de tout ce qui est doux et sucré, sort de la forêt pour venir écouter. Dès qu’il s’avance en terrain découvert, d’autres se mettent à hurler et danser à une cadence endiablée. L’ours se précipite vers le piège tendu. La contrée est libérée sans un coup de fusil.

Un coup de clackson déchire la nuit. La voiture de fonction bloque le bus qui doit ramener chez eux la troupe de danseurs, de musiciens et de chanteurs.

Le gadjo se réveille en sursaut. Finalement c’est moi qui gêne, se dit-il en reprenant ses esprits.

le 26 avril 2016

 

 

 

 


 

Si tu y crois……………………………..Auteur : Véronique

 

Si tu y crois, enfant de la danse,

Tu inviteras le monde dans ta transe,

Le petit, le timide, le timoré

Entrera dans ta ronde colorée

Au déluré, tout-fou, au sans-repère

Tu tendras la main toi, son frère

Le vieux, le jeune, le ridé, le lisse

Se déliera, osera, se délivrera pour un bis

Le petit, le grand, le maigre, le gros

Se dépliera, s’allongera, se vrillera s’il le faut

Le temps d’une danse

Le temps d’une transe

Aux exclus et reclus

Aux émigrés et réfugiés

Aux rejetés et refusés

Tu offriras une émotion nue

 

Si tu y crois, enfant aux yeux charbon

Ton regard croisera le bleu et l’acier

Le vert et le doré des yeux étrangers

La flamme des tiens réveillera l’étincelle des enfants blonds

Tes jambes et tes bras en rythme effréné

Réveilleront la torpeur du spectateur

Actionneront les mouvements intérieurs

 

Si tu y crois, enfant qui apprend

Tu parleras slovaque, anglais ou allemand

Pour parler à tes frères

Saluer avec lui le jour qui point

Célébrer avec lui la beauté des étoiles filantes

Pour lui conter ton histoire

Ecouter la sienne

Pour savourer avec lui le goût des mots

Et te délecter d’un dakujem, thank you, danke

 

Si tu y crois, enfant du voyage

Tu iras par les scènes du monde

Danser la joie de vivre universelle

Chanter les joies et les peines des hommes et des femmes

En slovaque, hongrois ou russe

Et le public te répondra

En français, anglais ou allemand

Qu’il était bien temps

De te connaître, de te saluer

Et de t’appeler son enfant

Mardi 26 Avril Ecrire un avenir pour « les enfants de la fée »

 


 

Nuit étoilée……………………………..Auteur / Johanna

 

Observant le croissant de lune immobilisé parmi les étoiles, la cartomancienne dit à la petite fille :

« Rêve, c’est ton plus beau projet, il ne sera jamais contrarié,

Vis, survis à travers ces ronces maléfiques,

-Défie l’épine de la vie,

Croise tes chemins de souffrance avec tes frères,

Souffle ton espérance dans les voiles de la liberté,

Rayonne, tel un lion enragé dans la savane,

Navigue les mots, accompagne les, laisse les flotter, couler, glisser, effleurer ta bouche miel,

-Joue, tambours, ensorcelle le ciel nacré,

-Déracine tes ailes fatiguées, fais le renaître au-delà du Zénith,

-Danse la vie à travers ces monuments glacés, ces palais dévêtus et assombris,

-Crois en ta bonne étoile, celle qui transpercera l’épée du malheur,

-Protège les tiens avec tes pétales de roses, ta douceur sanguine.

-Porte en toi la cape des fées ».

 

La petite fille regarde sa grand-mère, d’un pas lent, elle descend la marche.

Le bateau craqua.

Au loin, la nuit dormait et la lune se pavanait.

Sa robe musicale coula le long de son cou, ses épaules,  sur son corps muet.

On entendit juste un clapotis, puis ce fût tout.

 

 

 

 


 

Ecoute le chant des enfants de la fée…......Auteur : Dominique

 

« Si tu es au fond du trou, arrête de creuser[1] »

Lève les yeux.

Ecoute le chant des enfants de la fée.

 

Si tu es au fond du trou, lève les yeux

Le rideau de nuages noyait ton village.

Il s’est évaporé

Tu te croyais redevable du sort

Le sort n’y est pour rien

Lève les yeux.

Au loin les Tatras te défient d’aller plus loin

Si tu es au fond du trou, arrête de creuser.

 

Lève les yeux.

Ne vois-tu pas l’échelle aux barreaux rafistolés ?

Ecoute le chant des enfants de la fée.

Tu crois que la boue te cloue au fond de ton trou, t’empêche d’avancer un pied.

Ecoute le chant des enfants de la fée

Tiens une chaussure !

Mais il t’en faut une autre pour répondre à l’appel

Ecoute le chant des enfants de la fée

Un à un, tu franchis les barreaux rafistolés

L’avenir se profile avec des bouts de ficelle

Chante avec les enfants de la fée.

Tape du pied, enfant aux pieds nus

Murmure la misère qui étreint tes entrailles

Explose la misère en un chant débridé

Balance donc tes mots à ma face de Gadjo

Danse  avec tes pieds nus, toi le va nu pied

Chorégraphie de rue, aux rythmes alambiqués

 

Tu étais au fond du trou.

Tu as arrêté de creuser.

Tu as écouté le chant des enfants de la fée

Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir

Il faut le rendre possible [2]

Tu as écouté le chant des enfants de la fée

Le rideau s’est levé sur la scène endiablée

Les bras des tous petits enfin se sont levés

 

Moi  Gadjo, je suis la minorité.

Regard émerveillé

Cœur  retourné 

Préjugés fissurés

 

Assis devant ta table, sourire au bord des lèvres,

Prunelles au feu de braise

Tu danses avec les mots

Compose donc, sur ta flûte, un possible futur.

 

Tu étais au fond du trou.

Tu as arrêté de creuser.

Tu as vu l’échelle aux barreaux consolidés.

Tu as écouté le chant des enfants de la fée

Et puis tu as grimpé…

 

Romani, Balalaïka, Guitare, Piano et Compagnie

Dans les lignes de ta main

Se dessine enfin un avenir à ta main

Kesaj Tchavé

 

 Nova Lesna , mardi 26 avril 201

 



[1] Dicton Rom

[2] « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible » Saint Exupéry