Rien n’est plus mystérieux, plus difficile à comprendre que l’antitiziganisme. Voilà un racisme qui ne se base sur aucune croyance, aucune religion. Voilà une haine qui ne repose sur aucun désir de revanche, aucune humiliation subie, aucun reste de défaite cuisante.
Il s’agit d’un peuple qui n’a même jamais fait la guerre.
Et pour irrationnelle qu’elle soit, quelle haine tenace , quel désir de destruction , quelle détestation aussi spontanée que répandue ne croise – t on pas constamment?
Voici que sans crier gare vous entendez dans la bouche de votre voisine des propos venimeux. Telle personne au sourire angélique et au caractère doux se met à prononcer des paroles assassines. c’est qu’on se lâche, c’est qu’on se perd…
Comment comprendre une telle fixation irraisonnée, si on n’admet pas ceci: le tzigane n’est pas détesté pour ce qu’il est mais pour ce qu’il révèle de nous; il n’est pas haï par ce qu’il nous montre, mais par ce qu’on ne veut pas voir à travers lui.
Le tzigane nous apprend aujourd’hui des vérités insoutenables non pas sur lui même ou sa propre histoire , mais sur la nôtre.
Nous n’avons rien construit.
A travers son expérience, nous expérimentons l’illusion de nos institutions fières et dominantes.
qu’est ce que cette belle école qui se pare de tant d’affirmations: républicaine, laïque, différenciées et même de … la réussite?Alors que nous voyons à travers l’expérience de l’enfant tzigane que c’ets en fait uen école del l’exclusion, de la sélection et de l’indiffférence.
Qu’est ce que ce beau système de protection de l’enfance , de préoccupation pour son bien être de l’affirmation perpétuelle et en tout lieu de la supériorité de son intérêt? On entend tant de choses; l’enfant au centre du système, l’enfant protégé de tout, l’enfant idéalisé et chéri des passions publiques et institutionnelles !
Pendant ce temps, l’enfant tzigane, lui nous montre une toute autre réalité. la cécité de nos services, l’incohérence de nos suivis , l’impuissance de nos moyens et de nos méthodes. Le désintérêt au fond et le découragement qui progresse chez les acteurs eux mêmes d’un système auquel ils ne croient plus.
Non nous n’avons rien bâti , ni des hôpitaux accueillants qui laissent dépérir et sans soin l’étranger malade, ni des écoles imposantes que les enfants fuient et qui les rejettent.
Que dire aussi de notre démocratie qui s’accomode si bien du silence imposé à des millions de personnes, du déni politique de fractions de plus en plus grande de la population. Que dire d’une démocratie qui sait déjà où elle va, et qui décide qu’elle n’en a cure de ce que pensent font et vivent les gens?
Que dire d’une démocratie qui se passe du peuple?
Et grâce au tzigane, avec effroi, ou étonnement, nous voyons ainsi l’ombre de notre société, l’ombre de notre système. Et d’un coup, la Ville devient ruine et les institutions deviennent déserts.
Tzigane, mon frère, on comprend que tu sois tant haï Tu ne nous dis rien de toi, tu nous dis trop de nous mêmes.
Tziganes , nous vous aimons cependant , car sur les ruines vous dansez . Par vous viendra peut être l’énergie de reconstruire un jour. Par vous reviendra peut être le désir d’être et de vivre ensemble , à nouveau.
Rendre compte du dérisoire
Nous nous interrogeons souvent su la nature fragile du travail que nous proposons en pédagogie sociale; où sont les salles bien équipées, les structure pimpantes, les locaux dédiés? Où sont surtout les guichets, les bulletins d’inscription qui rassurent le visiteur , l’utilisateur, le consommateur sur ce qu’il vient chercher?
Où est le paiement, l’adhésion, l’engagement du public qui nous rassurerait tellement sur la valeur de ce que nous faisons?
Nous, nous n’avons pas de public dans ce sens là: billetterie et réservation. Nous n’avons que le peuple.
La réalité « perdue de vue ».
Une personne récemment nous demandait pourquoi nous avions mis là « sur nos tapis », tous ces enfants que nous rencontrons lors des ateliers de rue.
Pour lui , il était évident que cela ne pouvait découler que d’un plan, d’un montage, d’un trucage peut être. Il ne pouvait pas imaginer que nos photos d’atelier rendent compte d’autre chose que d’un artifice, d’une disposition, d’une mis en scène. Il lui paraissait impossible que tous ces enfants puissent nous apprendre quelque chose sur notre environnement.
Nous sommes tellement habitués à l’artifice , à la mise en scène ,que la réalité , quand nous la rencontrons,… nous ne la reconnaissons pas.
Le problème avec les mise en scène institutionnelles, éducatives, scolaires, est que , quand « elles se cassent la figure », (ou lorsque les institutions sont liquidées, fermées, vendues « à la découpe »), plus rien ne repousse à côté.
Les 4 renoncements
Comment saurions nous créer une quelconque activité qui ne serait pas déjà portée par la structure? Comment susciter, tisser , construire patiemment une autorité qui ne serait pas déjà garantie par l’Etat?
Nous avons perdu foi dans nos capacités, de créer, d’entrer en relation, de construire et de produire. Nous avons été convaincus d’inutilité, d’inactivité, d’impossibilité de faire et d’agir.
1/ Il y a d’abord ceux qui sont persuadés qu’ils ne peuvent rien faire seul. Il s’épuisent à attendre des feux verts improbables. Il posent la mobilisation des autres comme condition de la leur. Ils accumulent tellement d’objection apriori à leur mise en mouvement, que celle-ci est plus qu’improbable.
Ceux là ignorent que la véritable autorité vient de ceux qui tentent.
2/ Il y a ensuite ceux qui ne peuvent pas agir sans assurance de pérennité; on ne va rien tenter si on n’est pas sûrs de pouvoir poursuivre, de continuer . A quoi bon créer maintenant ce qui viendra à manquer plus tard? Pourquoi donner à vivre des moments d’exception à des personnes qui retomberont dans leur misère? Pourquoi faire vivre un moment de démocratie à ceux qui subiront de nouveau dès demain des institutions pénalisantes? A quoi bon faire exception , si personne ne change la règle?
Ceux là ignorent que les règles ne sont là que pour rendre compte du progrès des exceptions.
3/ Sur le même mode, plus spatial, il y a ceux qui ne croient pas au « local ». Pour eux , une véritable action se pilote depuis le « global », le « général », sinon elle n’a pas d’envergure. la possibilité de créer ici et maintenant des situations différentes, des actions innovantes, ne leur apparaît que comme un enfermement, un enterrement de seconde classe.
Ceux là ignorent que l’influence vient du proche, pas du lointain
4/ Et bien entendu, les plus nombreux: il y a tous ceux qui ne peuvent pas agir si les moyens et le conditions préalables et nécessaires à leur action ne sont pas réunies. Autant dire que cela ne risque pas d’arriver avant très longtemps.
Ceux là ignorent que les moyens viennent en faisant.
Tous, surtout, manquent cruellement de foi dans leur propre pouvoir de faire et d’inventer, autant que dans celui des autres.
Ce qu’il y a malgré tout de positif dans les périodes de destruction, de désinstitutionnalisation, de « haine du social » et d’abandon politique , économique et structurel, c’est que nous devons nous poser la question de notre propre foi; de notre capacité à entreprendre ; de nos propres forces ; du pouvoir de nous mêmes.
Illusion d’agir
Dans toute cette difficulté à agir, impossibilité à créer , nous assistons à des scènes dérisoires où des structures sur-dotées se mettent à rêver d’actions minimales et ridicules pour tenter de retrouver la vie qui leur fait défaut. Ici on tente de faire un potager dans de misérables petits bacs. Là on ajoute une ou deux activités sociales pour « trois pèlerins », dans l’espoir de donner une « teinte sociale » à tout ce qui entoure.
Ailleurs , on adopte un pseudo discours de radicalité ; on n’a à la bouche que des mots comme « résistance », « vigilance », « citoyenneté », pour camoufler les fonctionnements institutionnels les plus traditionnels et archaïques. Et quand viendra le moment où il faudrait se battre pour de vrai, juste pour survivre… il n’y aura personne.
Abdications
Je ne connais rien de plus triste que ceux qui renoncent au plus simple: à une rencontre, à un sourire, à leur propre pouvoir de créer.
Je ne connais rien de plus déprimant que l’habitude d’abdiquer face à sa propre capacité d’initier. On imagine, on se laisse porter un instant; on se met à rêver de changement, d’initiative. On « pourrait presque » … Et déjà , avant même d’avoir essayé, d’avoir tenté quoi que ce soit, sous couvert d’un pseudo réalisme commode, on démissionne d’être un homme.
Enfant déjà, j’étais sidéré par l’immobilité des adultes. Je les voyais comme des géants immobiles, des créateurs stériles, des colosses impuissants.
Peut être que tout cela était moins grave à une époque où on pouvait croire au progrès social, institutionnel, éducatif. Peut être était-ce moins grave à une époque où il y avait de l’avenir.
Aujourd’hui, nous n’avons plus les moyens de l’impuissance; nous n’avons plus d’avenir pour remettre à demain; plus d’ailleurs pour bâtir des institutions idéales. Nous devons transformer nos terrains vagues en espaces vivants; nous devons habiter nos recoins, revisiter nos réduits, ré-estimer l’ici et le maintenant.
Plus loin que la confiance
Ce n’est pas de confiance en nous mêmes dont nous avons besoin, mais de foi pour agir. Nous ne nous mettrons pas en mouvement parce qu’on aura valorisé nos « compétences » , parce qu’on nous aura convaincu de notre importance , ou parce que nos nous sentirons « reconnus ».
Pour nous mettre en mouvement, pour créer , il faut autre chose; la capacité de donner , se donner, d’abandonner le besoin d’être rassurés sur l’issue de nos actes. Il faut savoir se lancer, il faut de l’élan, de la vie.
Où sont ils dans nos institutions, dans nos structures?
A Intermèdes Robinson, nous avons appris des précaires, la capacité de reconstruire ce qui a été détruit, le pouvoir d’habiter un moment, un temps sans garantie du lendemain; le pouvoir de saisir l’occasion ou la rencontre qui se présente.
Dans un monde d’inquiétude, nous savons que la véritable sécurité provient de notre possibilité de créer … sans garantie.
Cette semaine: Bienvenue à Dominik des Kesaj Tchave
Dominik (dit Domino) est arrivé cette semaine pour travailler au projet « Curcubeo » (les Kesaj Robinsons) . Dominik est plongé dans la musique et la danse depuis qu’il est tout petit.
Cette semaine , il est passé sur tous les terrains et au quartier. Nous l’avons présenté à tout le monde . La semaine prochaine: ça commence !
Samedi:
Participation à la fête tzigane de Viry. Nous avons envoyé nos deux Laura et Hélène pour aider la MJC de Viry à préparer leur fête tzigane.
Les filles ont encadré la fabrication de plus de 250 Sarmalés … entre autres performances
Samedi et Jeudi : projet Curcubeo (arc en ciel, en Romanes)
Jeudi (mi-janvier)
Ivan Akimov, est venu samedi pour lancer le projet de création d’un groupe de Robinsons danseurs et chanteurs.
Nous avons d’abord pris le temps de nous réunir avec nos amis musiciens , au local.
Puis nous sommes allés présenter et envisager le projet sur site, à la fois au quartier et dans les bidonvilles de Chilly Gare et Champlan.
A chaque fois, discussions, rencontres avec les habitants , les enfants et adultes et c’est parti: démonstration de danse , par les uns et les autres.
A Chilly, nous avons été attirés par un magnifique arc en ciel. Le nom de notre groupe et projet est trouvé: Curcubeo.
Samedi: Autour d’Ivan , on a reformé un petit groupe Kesaj, avec Duchko, Jennika, Dominik et même Cassandra.
Après leur atelier à Chilly, le local s’est transformé en lieu de fête et de musique …pour tous.
Vendredi: Atelier de Champlan (fin février)
Nombreux sont ceux qui nous attendent aujourd’hui à l’entrée du camps de champlan. En effet les familles sont désormais habitués a nos ateliers de musiques et les attendent avec impatience. Rapidement la rumeur de notre arrivé se répand, et adultes, jeunes et enfants nous rejoignent sur la place centrale du bidonville, d’autant que nous comptons aujourd’hui sur la présence exceptionnelle du groupe de Kesaj slovaque menés par Ivan.
Trés vite la musique commence et les danseurs se mettent en place. Aprés une première chanson, les danseurs saisissent sans se concerter les spectateurs par la mains et les entrainent dans une ronde autour des musiciens. L’excitation gagne la foule et petit à petit, c’est tout le camps qui s’agite au rythme de la musique, tentant de reproduire les mouvements des danseurs. Ionuts et Ronaldo, qui ont participé à la tournée des Kesaj l’année dernière sont à l’honneur et prennent part au chorégraphie de manière active. Les danseurs se place judicieusement aux sein de la foule pour que personne ne se sente à l’écart et ne reste immobile. Ils entrainent les plus réfractaire, aident les plus maladroits. Au centre des musiciens, Ivan rythme le tout, et l’oeil vigilant, donne sont heure de gloire à chacun des participant, leur offrant un solo, ou les mettant en avant à un moment clef d’une chanson.
C’est une scène à la fois parfaitement orchestré et complètement improvisé qui se joue alors au centre du camps. C’est la vrai force des Kesaj, offrir leur énergie au public, et s’en nourrir en même temps. Le soleil couchant donne une touche presque irréel au tableau.
Le temps file sans que l’on ne s’en rende compte, pris que l’on est dans cette énergie, et après avoir distribué le gouté, sans s’arrêter de chanter et de danser, nous repartons vers le camion.
Olympia sur Orges
„Emportée par la foule...“, chantait Piaf à l´Olympia, bld, des Capucines, à Paris, il y a plus d´un demi-siècle de ça. A Olympia sur Orges, les 7 et 8 mai dernier, dans l´Essonne, la foule des spectateurs et des artistes portait et emportait tout sur son passage. Les idées reçues, les préjugés, les „c´est impossible“, „ce n´est pas comme ça qu´il faut faire“, passaient à la trappe, et tout devenait possible, réalisable, même réunir et faire un spectacle vivant et dynamique avec près d´une centaine de gosses dans un espace équivalant par sa taille à quelques wagons de métro, ne posait pas de problème. Il y avait foule, une masse compacte, comme dans le métro aux heures de pointes, un condensé de l´humanité toute entière, et cette foule emportait tout sur son passage. Mieux qu´emporter, elle portait littéralement sur ses bras ce projet fantasmagorique et utopique, „Aven savore“ qu´étaient en train de réaliser ensemble les Intermèdes Robinson et les Kesaj Tchave.
Aven savore – Allons ensemble. Oui, une totale utopie par les temps qui courent. Aller ensemble vers un mieux, une ouverture aux autres, une cohabitation, une paix... Non, on a trop rêvé à ces mirages, trop espéré que c´est possible et évident, que de vivre en harmonie ensemble. La réalité de tous les jours nous assomme avec ses infos implacables, identiques de par le monde entier, qui nous démontrent que c´est impossible, irréalisable. Le monde d´aujourd´hui est fait pour exploser, il faut que les gens s´entretuent, que la terre sombre, coule à jamais.
Aven savore. Allons ensemble, en rom, en langue romani, tsigane. Bonjour les dégâts! Les Tsiganes qui vont nous montrer comment faire. Oui, ceux qui sont dans les bidonvilles, dans les camps, dans le métro, sous le périf. Et en plus, il y avait des africains, des migrants, des robeux, des cités, des banlieues... Il y avait foule. Et l´utopie est devenue réalité, toute simple, banale, portée par une masse compacte de gens, qui n´avaient d´autre ambition, que de passer un bon moment ensemble. Peu importe qu´ils soient rom, africains, slaves, français, ou autres étiquettes futiles et sans importance dans le contexte de l´événement en cours. Pari réussi. Point à la ligne.
Il y a un an, nous avons déjà amorcé une pareille expérience dans la MJC de Chilly-Mazarin. Jour, pour jour, le 9 mai 2015. Depuis, la MJC a été détruite, rasée. Comme à Palmyre. La comparaison et osée? Pas tant que ça. Si on rase la culture, ce n´est que pour que mieux repoussent les barbes de l´ignorance. Et là, c´est pareil, à Chilly ou à Palmyre. Bravo, Messieurs les démolisseurs. Du bon boulot. Que des ruines.
Alors, que faire? Aven savore! Y aller ensemble, se retrousser les manches et bosser. La culture est un excellent outil pour nettoyer toute cette... merde! Excusez-moi ce mot cru de la langue française, mais je ne trouve pas d´autre expression pour désigner ce qu´il y à faire pour apporter un peu de propre dans notre paysage, dans nos consciences. Heureusement, que pour cela, malgré les apparences, il y a foule. Pas une foule en délire. Au contraire, des gens censés, conscients, engagés, sans préjugés. Prêts à y aller. Comme les 7 et 8 mai dernier, à Igny et à Savigny. A l´Olympia sur Orge.
Merci à Yepce, Intermèdes, Lire c´est partir, La Banque alimentaire et au CCFD d´avoir soutenu l´action.
Merci aux MJC d´Igny et de Savigny sur Orge, de nous avoir accueilli pour notre spectacle-projet Aven savore, réalisé avec les jeunes et les enfants des camps et bidonvilles roms de France et de Slovaquie, des jeunes des cités et des banlieues et des migrants d´Afrique.